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Santé et pesticides

Une étude de biosurveillance humaine à grande échelle menée entre 2014 et 2021 dans cinq pays européens a révélé qu’au moins deux pesticides étaient présents dans le corps de 84 % des participants à l’enquête. Les niveaux de pesticides étaient systématiquement plus élevés chez les enfants que chez les adultes.  (European Environment Agency)

Article rédigé pour COP Gironde par Nicole MORGAN

Merci à Christian Filhos-Gignac, Président de COP Gironde et Artiste, pour sa collaboration.

Source : INSERM, Ministère de la santé et de la Prévention, INRAE, SENAT,
UFC Que Choisir,

Quand les pesticides exposent les populations

Le cancer donne lieu à nombre de mobilisations, dont celle d’octobre rose qui nous rappelle que le cancer du sein fait toujours l’objet d’un combat vécu par les deux sexes. Mais par delà le cancer du sein, le « crabe » et ses différentes cibles, reste un fléau difficile à juguler car bien des facteurs environnementaux nous prédisposent à devenir des victimes passives de pratiques connues pour leurs effets toxiques sur nos organismes.

Ne vivons-nous pas dans une forme de paradoxe car, parallèlement à ces mobilisations, il nous est régulièrement rappelé l’importance de veiller à notre santé, notamment par le biais alimentaire qui serait un vecteur de protection, pour peu que nous consommions des aliments de qualité dépourvus, si possible, de substances toxiques pour notre corps.


Alors sommes-nous seuls responsables ? Si l’on se penche sérieusement sur le sujet, force est de constater que nos organismes sont soumis malgré eux à des agressions diverses, dont celle des pesticides et que, face à eux, nous sommes relativement démunis et subissants. Prenons pour exemple, le message reçu par la population de certaines communes de Gironde, dont les vignobles sont concernés par des pratiques agricoles usant de pesticides et pour lesquels le maire alerte ses administrés en leur recommandant de veiller à rentrer le linge, à ne pas laisser les enfants dehors, à fermer les fenêtres et à rentrer ou à protéger les animaux de compagnies… Certes, cette annonce constitue un minimum, mais ne confond-on pas prévention et précaution ?
Que penser de ces mises en garde qui visent la prévention ? Mais de quelle prévention est-il question ?  Celle qui place le citoyen lambda face au fait accompli avec des pratiques subversives connues pour leurs effets sanitaires toxiques pour nos organismes, mais dont les usages sont encore tolérés alors que les effets sont identifiés comme portant atteinte à notre santé.
Que penser de ces pratiques qui mettent directement l'humain en danger et empêchent le citoyen de vivre sereinement ? Quelle est la part de responsabilité des collectivités qui peuvent-être perçues par certains comme se rendant complices de ces pratiques. Est-il normal que les maires concernés ne puissent pas, dans certains cas, avoir accès aux informations des produits utilisés au prétexte que les vignerons n'ont aucune obligation de communiquer le nom des produits utilisés et qu'il ne faut pas oublier que les vignobles restent des domaines privés ? Qu’en est-il du principe de précaution qui vise à anticiper et à éviter qu’un drame sanitaire ne se produise simplement parce qu'on ne peut pas mesurer l'ampleur d'un risque? Que comprendre de cette volonté de l’Etat de supprimer certains produits phytosanitaires, puis d’en réinstaurer l’usage pour quelques années, comme par exemple les néonicotinoïdes, en dépit des constats dévastateurs observés sur les abeilles, sachant que notre chaîne alimentaire en dépend.

La toxicité des pesticides ne se limite pas aux seules espèces que l’on souhaite éliminer. Leurs molécules migrent en impactant l’air que nous respirons, les sols qui nous nourrissent , donc nos aliments, les eaux que nous buvons…, et présentent, de fait, des dangers plus ou moins importants pour l’homme et les écosystèmes, avec un impact à court ou à long terme. Il faut parfois des décennies avant que nos corps expriment les méfaits de ces utilisations.

Ces expositions aux pesticides sont responsables de la survenue de nombreuses maladies dont certains effets restent encore méconnus. Il suffit de se pencher sur les travaux de l’Inserm ou des relevés de santé Publique France ou même de relire l’audition au Sénat du DR Nadine HOUEDÉ, oncologue à l’Institut Bergonié (Centre régional de Lutte Contre le Cancer De Bordeaux et du Sud-Ouest), qui remonte à 2012.


Lorsque la présidente de la commission, Madame Sophie PRIMAS, la questionne sur l'impact des pesticides sur la santé dont celle de leurs utilisateurs et précise qu’elle l’entend dans le cadre de ses nombreux travaux, communications et préconisations déjà publiés sur cette question, le Docteur HOUEDÉ  répond :  Les pesticides se divisent en trois catégories, à savoir herbicides, fongicides et insecticides. Environ 1 200 produits ont été développés au cours des ans. Certains ont été interdits, d'autres sont encore autorisés. Aujourd'hui, 600 pesticides différents sont utilisés dans le monde. Les facteurs pouvant influencer la toxicité, définis par l'OMS, sont les suivants : dose utilisée, modalités d'exposition, degré d'absorption, souvent difficile à quantifier, nature et activité des métabolites, accumulation et persistance du produit dans l'organisme.

Sur le plan médical, une partie des effets néfastes des pesticides est liée à leur stockage dans les adipocytes, ou tissus graisseux. Il existe différents modes de contamination, à savoir par inhalation de vapeurs, ingestion involontaire ou sous forme cutanée en cas de contact direct avec les produits au cours d'une manipulation.

Les mécanismes toxiques de certains pesticides sont aujourd'hui connus. Ils peuvent agir par induction et inhibition des enzymes qui contrôlent la fabrication des protéines et la réplication de certaines cellules. Ils peuvent également impacter le système immunitaire et le système hormonal et déclencher des maladies.

Les cancers ont souvent une origine plurifactorielle. Il est donc très difficile de déterminer si leur lien avec les pesticides est direct ou s'ils découlent d'une cascade de causes telles que des agressions chimiques, des mécanismes génétiques ou des facteurs environnementaux comme les radiations ou l'exposition au soleil ou aux virus, auxquels peuvent être confrontées des personnes travaillant dans des exploitations agricoles. Ces facteurs auront un effet sur leur code génétique, qui régule leur croissance et leur développement. L'ADN peut alors se briser ou s'abîmer. Une personne peut donc être exposée aujourd'hui mais ne développer un cancer que dans dix ou vingt ans.  Il existe un effet temps d'au moins dix ans, qui peut aller jusqu'à quarante ans, entre l'élément initiateur et la maladie…. En France, un à deux millions de personnes sont exposées à un risque de cancer lié aux pesticides du fait de leur métier. Les cancers avérés liés aux pesticides, pour lesquels le niveau de preuves scientifiques est suffisant, sont le cancer du cerveau, notamment le glioblastome sur lequel a beaucoup travaillé le Dr Isabelle BALDI mais également les cancers de la thyroïde et de la vessie et le lymphome. Des travaux sont aujourd'hui en cours au sein de différentes équipes, notamment sur la toxicité des pesticides sur l'équilibre hormonal. On trouve dans cette catégorie des cancers hormonaux-dépendants, à savoir le cancer du sein, de la prostate, de l'ovaire et du testicule.

La profession des viticulteurs est alors abordée et la question est posée sur les protections utilisées par eux lors des utilisations de pesticides. Le Docteur Nadine HOUEDÉ est sans équivoque « Oui. Lorsque les viticulteurs sulfatent leurs vignes à Bordeaux, ils sont protégés par des cabines hermétiques et des masques à gaz. Toutefois, les habitants des alentours, eux, ne sont pas protégés ».

Nadine HOUEDÉ conclut en ces termes : Merci de m'avoir invitée. Je vous remercie également de favoriser la circulation de la parole et l'engagement de discussions.

Il est admis aujourd’hui, plus de 10 ans après ces déclarations, que l’impact des pesticides sur notre santé est non seulement largement admis mais se vérifie chaque jour davantage et que leurs effets dépendent du type de pesticide. Certains, comme les organophosphorés et les carbamates, affectent le système nerveux. D'autres peuvent irriter la peau ou les yeux. Certains pesticides peuvent être cancérigènes. D’autres peuvent affecter le système hormonal ou endocrinien du corps.

Un constat sans équivoque

L'impact sur la biodiversité

Les effets sur l’environnement ne sont pas neutres puisque l’utilisation des pesticides engendre une dégradation de la biodiversité, dont nous faisons partie, d’une part à court terme avec intoxication directe ou indirecte des organismes, réduction de l’offre de nourriture (insectes, graines de mauvaises herbes), et des effets sur la reproduction et le comportement… Sur le long terme, ils sont sources de déséquilibres divers sur les écosystèmes en affectant par exemple les abeilles, certains insectes, les vers de terres, les oiseaux, les poissons…

Que faire face à cet état des lieux des plus préoccupants ? Comment inciter les collectivités, au niveau local,  à s’emparer du sujet et agir pour le bien-être, bien vivre, en protégeant les populations. Le principe de précaution voudrait que les interdictions de certains produits soient fermes et définitives, que les prises de position de l’Etat soient suivies des faits, soutenues et maintenues dans le temps, sans virevolte. N’est-il pas après tout le gardien de la nation.

Retenons le message de l'Union européenne

  • La pollution par les pesticides entraîne une perte de biodiversité en Europe. Cela entraîne un déclin significatif des populations d’insectes, menaçant le rôle essentiel qu’ils jouent dans la production alimentaire.

  • Une étude de biosurveillance humaine à grande échelle menée entre 2014 et 2021 dans cinq pays européens a révélé qu’au moins deux pesticides étaient présents dans le corps de 84 % des participants à l’enquête. Les niveaux de pesticides étaient systématiquement plus élevés chez les enfants que chez les adultes.

  • Atteindre les objectifs liés aux pesticides fixés dans la stratégie de la ferme à la table nécessitera des efforts supplémentaires importants. Nous pourrions réduire notre dépendance aux pesticides chimiques pour maintenir les rendements des cultures et nos volumes globaux d’utilisation de pesticides en passant à des modèles agricoles alternatifs, tels que l’agroécologie. 

  • Dans le contexte du Green Deal européen, la stratégie de la ferme à la table identifie un besoin urgent de réduire la dépendance aux pesticides. Les principaux objectifs politiques à atteindre d’ici 2030 dans le cadre de la stratégie de la ferme à la table, du plan d’action zéro pollution et de la stratégie pour la biodiversité pour 2030 comprennent :

  1. une réduction de 50 % de l’utilisation et des risques liés aux pesticides chimiques ;

  2. une réduction de 50 % de l'utilisation des produits les plus dangereux ;

  3. au moins 25 % des terres agricoles de l’UE soient cultivées en agriculture biologique.

La France, 2ème marché européen 

Mais rappelons juste que la France est accro aux pesticides puisque 75 000 tonnes de pesticides sont produites en moyenne tous les ans et 65 000 sont utilisées, ce qui représente un tiers des tonnages consommés en Europe. La France est ainsi le 2ème marché européen et l’un des principaux consommateurs de pesticides dans le monde. Plus de 90 % des pesticides ont un usage agricole ; les 10 % restants sont utilisés par les collectivités (à hauteur d’un tiers environ) ainsi que par les particuliers (deux tiers).

Il est à noter que sur le site du Ministère de la Santé et de la prévention, la question des pesticides  et de l’évolution des politiques publiques pour protéger les populations n’a pas fait l’objet de nouvelles parutions depuis décembre 2019 et qu’il en est de même pour la réglementation stricte pour en maîtriser les risques. Pourtant en 2021, UFC Que choisir faisait mention d’un rapport très attendu rendu public en juin de la même année et dans lequel le comité d’experts nommé par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) avait conclu sur les effets des pesticides sur la santé, sachant que le travail de référence précédent datait de 2013.

Les nouvelles données avait notamment permis l’ajout du lymphome non hodgkinien (un cancer du sang) à la liste des maladies professionnelles liées à l’usage des pesticides. Il était noté que huit ans plus tard, le dossier contre ces produits s’est encore alourdi. Aux quatre pathologies pour lesquelles existait déjà une présomption forte de lien avec l’exposition aux pesticides sont venues s’ajouter six autres. Maladie de Parkinson, lymphome non hodgkinien, myélome multiple (un autre cancer du sang) et cancer de la prostate sont à présent rejoints par les troubles cognitifs, la BPCO (une pneumopathie chronique), la bronchite chronique, mais aussi, chez les enfants des femmes exposées durant la grossesse, les troubles neurodéveloppementaux, les leucémies et les cancers du système nerveux central.

Comment ne pas s’interroger sur le peu d’écho auprès du grand public concernant ces travaux et quelles mesures concrètes l’Etat a-t-il entrepris pour protéger les populations de manière efficace et effective ? Le citoyen est juste invité à se manifester auprès du dispositif de phytopharmacovigilance, s’il est victime d’effets indésirables ou encore auprès du médecin, s’il suspecte des effets sanitaires pouvant être en lien avec une exposition à des pesticides, lequel pourra s’adresser à l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui agit en partenariat avec la Cellule d’intervention en région (Cire) , pour mettre en œuvre toutes les actions utiles à la prévention et à la maîtrise des risques. C’est un peu édifiant.

 

Pourquoi ne pas agir en amont puisque les causes, les risques et les effets sont identifiés? Où est l’intérêt majeur ?

 

A un niveau plus citoyen, des leviers existent en commençant par effectuer un signalement, auprès de :

 

Nicole Morgan

Article rédigé pour COP Gironde

Merci à Christian Filhos-Gignac, Président de COP GIRONDE et Artiste, pour sa collaboration.

 

Source : INSERM, Ministère de la santé et de la Prévention, INRAE, SENAT, UFC Que Choisir,

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